Alors que tous les industriels n’ont que le mot « recyclage » à la bouche, communication qui la plupart du temps ne sert qu’à dédouaner l’industriel sur la quantité d’emballage qu’il produit, nous avons eu hier soir, dans un superbe reportage de Cash Investigation, la preuve qu’une infime partie de nos déchets sont recyclés.
En effet, 72% des déchets en moyenne ne sont pas recyclés et sont donc soit enfouis, soit incinérés.
On peut changer le nom des incinérateurs pour les appeler des « Unités de valorisation énergétiques », nous ne sommes pas dupes, il s’agit encore et toujours de cramer des déchets.
Un peu de recul
Prenons un peu de hauteur de vue sur la situation dans sa globalité :
- Des centrales pétrolières extraient du pétrole, l’acheminent par bateau puis par camion dans des raffineries, le pétrole est distillé pour créer de l’essence, du diesel, du fioul lourd, du kérosène, du GPL et une partie (environ 2%) destiné à l’industrie pétrochimique.
- Ce pétrole est acheminé par camion dans des usines de plastique qui vont procéder à la création de billes de plastiques brutes.
- Ces billes sont envoyées dans d’autres usines (agro-alimentaires par exemple dans le cas du yaourt de l’émission) puis seront transformées en emballages. Films alimentaires, pots de yaourts, isolation, etc…
- Le yaourt va être mis dans l’emballage au sein de l’usine d’agroalimentaire, puis le tout sera transporté par camion dans un supermarché. Quelqu’un va l’acheter, va rentrer chez lui en voiture, va le consommer et le jeter dans la poubelle de tri.
- Un autre camion (ça commence à en faire beaucoup non ?) va venir chercher les déchets de la poubelle de tri pour l’emmener dans une autre usine, de recyclage celle-là.
Le pot de yaourt étant fait d’un alliage de plusieurs plastiques différents, il n’est quasiment jamais recyclé (dans 97% des cas).
Du coup, ces déchets non recyclables (comme à peu près les trois quarts de tous les déchets produits en France) seront envoyés encore par camion dans un centre d’incinération.
Évidemment ils y seront brûlés, et cela dégage des quantités énormissimes de CO2 (environ 6% des émissions de la France).
Reste les machefers, ces résidus de combustion extrêmement polluants qui seront soit utilisés comme remblais pour les routes (et y seront acheminés par camion) soit enfouis comme déchets toxiques (et transportés par camion jusqu’au site).
En bref
On a utilisé je ne sais combien de camions, d’usines et de procédés polluants pour pouvoir manger du yaourt. Je n’ai pas parlé de la production de l’aluminium du couvercle de l’emballage, ni de la production du lait, ni même des gousses de vanille si le yaourt est aromatisé.
Alors évidemment, ce système dans lequel nous vivons, qui produit du déchet à ne plus savoir qu’en faire, cherche à rassurer les gens en leur disant que tout sera recyclé, afin de déculpabiliser et faire en sorte que les consommateurs continuent d’acheter des produits dans les magasins.
Le système doit se perpétuer, et on décèle seulement maintenant que ses externalités sont extrêmement négatives.
Alors oui, ça broie des gens, majoritairement des pauvres (parce que soyons clair, mettez Mr. Petithuguenin pendant 3 semaines sur une chaîne de tri et il ne parlera plus de « motivation au travail » mais de « nécessité de travailler pour payer ses factures, malgré des conséquences physiques sérieuses »), et ça enrichit des gens qui sont en plus adulés pour leur réussite sociale.
Des solutions ?
Je ne vois pas trop de solutions pour changer ceci que de changer tout le système :
- produire radicalement moins d’emballages (c’est d’ailleurs 65% de ce que nous retrouvons sur les littoraux avec Wings of the Ocean),
- limiter la seule production de plastique à du mono-matériau et dans des produits conçus pour être utilisés à de multiples reprises,
- changer les habitudes de la grande distribution pour passer tous les rayons à de la distribution en vrac,
démocratiser le compostage pour toute la population.
Mais bon on y est pas du tout et on n’y sera pas avant longtemps, puisque ce système s’auto-alimente.
En attendant, pour éviter l’incinération, il y a les amis de chez Néolithe qui proposent une solution beaucoup moins émettrice de CO2, qu’on vous laisse découvrir (lien en commentaire). De leur propre aveu, ce n’est pas idéal, mais c’est déjà tellement mieux que les solutions actuellement proposées.
Un rendez-vous ?
Si jamais Mr. Petithuguenin souhaite un rendez-vous afin de discuter de ces sujets et souhaite faire avec moi l’expérience d’une semaine sur une chaîne de tri du groupe Paprec le tout payé au même salaire que les intérimaires de ces mêmes chaînes, nous nous ferons un plaisir d’en discuter avec lui ou ses fils.
Julien Wosnitza
Fondateur de Wings of the Ocean