[Heineken : le retour]

On vous avait promis un résumé du rendez-vous de la rentrée avec Heineken, que nous avions interpellés mi-juillet. Le voici !

Petit contexte et enjeux

On a fait une campagne le 16 juillet sur les réseaux sociaux concernant cette marque, demandant un entretien pour discuter d’actions concrètes : on retrouve leurs bouteilles un peu partout sur l’Étang de Berre et sur le littoral marseillais.
Les collègues de Clean my Calanques se sont joints au mouvement, énervés eux aussi.

Suite à cette campagne, la directrice communication de Heineken France m’appelle.

Je (Julien) lui explique un peu les enjeux, le fait qu’on retrouve leurs bouteilles partout et qu’on aurait des solutions à leur proposer pour éviter ça.
De son côté, elle m’explique que la personne en charge de la RSE d’Heineken France n’est plus en poste et qu’ils sont en train d’en recruter une nouvelle qui n’arriverait que mi-octobre.

Le 4 octobre, Julien avait donc rendez-vous avec Heineken et Céline de Clean my Calanques . Un entretien par visio d’une heure et demie, avec le pôle communication, soit des personnes non décisionnaires sur les consignes, par exemple.

On s’est mis d’accord avec Clean my Calanques avant cet entretien pour demander 3 choses :

  • passer les étiquettes plastiques des bouteilles à du papier (comme Kronenbourg par exemple),
  • investir dans une laveuse à l’usine de la Valentine afin de créer un système de consigne sur la zone Marseille et Étang de Berre. On leur propose ensuite de faire le suivi en milieu naturel sur la baisse ou non du nombre de leurs bouteilles trouvées,
  • financer les ramassages de nos deux associations, sur la base du principe « pollueur payeur ».

Nous avions aussi conscience que les changements prévus ne s’effectueraient pas dans l’immédiat et qu’il va falloir du temps, autant à nous associations pour faire du lobby interne, qu’à Heineken pour pouvoir mettre en place opérationnellement ces demandes.
Le plus rapide à mettre en place étant du financement, on en reparle juste après.

 

Le rendez-vous du 4 octobre

Le rdv commence sur de bonnes bases, on se rend compte qu’en face ils connaissent leur sujet et ne sont pas dans le déni.

Ils nous expliquent leur stratégie actuelle en termes de soutenabilité (ça vaut ce que ça vaut, mais je vous le mets là) :

  • réduction du poids des bouteilles et des packs pour l’acheminement en camion,
  • inscription de la mention « recyclable » sur tous les packs de bouteille,
  • financement de plusieurs millions à Citeo pour le recyclage du verre,
  • spots de publicité indiquant que leur bouteille est recyclable lorsque mise dans le bac en verre.

Tout ça, c’est très bien, mais ça ne change pas le constat qu’on retrouve leurs bouteilles en pleine nature et qu’on doit faire quelque chose pour ça !
On propose donc la mise en place de la consigne à l’usine de la Valentine, sur la zone test de Marseille et Étang de Berre.

Leur réponse : ils ont demandé à des instituts de sondage dans la région si les consommateurs voyaient un intérêt à la consigne, et selon ce sondage, la majorité des consommateurs n’y voient aucun intérêt.

Autre chose, ils ont testé sur Paris avec une des bières du groupe : Gallia. Ils ont mis en place toute une filière de récupération et de consigne.


Le soucis c’est qu’à Paris, cette filière pour leur bière Gallia n’est pas encore utilisée : les consommateurs jettent tout dans le bac en verre classique et donc les bouteilles ne reviennent pas, ce qui est moins écologique que d’avoir des bouteilles plus légères qui partent ensuite dans les poubelles à verre.

 


à savoir sur la consigne

Dans le cadre de bouteilles consignées, elles doivent être lavées, donc renforcées et donc plus lourdes que des bouteilles classiques. C’est moins écologique si c’est du « one shot », mais ça devient plus écologique à partir du moment où la bouteille effectue un cycle 4 fois.


 

J’ai argumenté sur le fait qu’il faut un passage à l’échelle, et que si les marques du groupe Heineken passent ensemble à de la consigne, les gens vont forcément les utiliser puisqu’il s’agit d’une partie significative du marché de la bière qui ferait une transition !
Selon eux, si l’ensemble de la filière bouge, ils y sont préparés, et pour ça il faut actionner des leviers politiques.

Aucune marque, aussi grosse soit-elle, ne peut financer seule la création de filières de recyclage (collecte, transports, camions, lavage, réutilisation, etc…) à l’échelle du territoire français sur sa seule initiative. Il faut un agrégat de brasseurs, mais il faut aussi que les distributeurs jouent le jeu et installent des bacs de collecte.

Leurs problématiques

Autre souci : l’installation d’une laveuse à l’usine de la Valentine leur demanderait une réinstallation de quasiment toute l’usine, puisque le circuit des bouteilles est déjà actuellement défini et qu’il faudrait tout changer.
Bref, des problématiques opérationnelles.

En revanche, ils avancent pas mal avec Citeo dans des groupes de travail pour, par exemple, passer toutes les bières du marché français au même format de bouteille. C’est en discussion et on s’est proposés pour les aider dans ces groupes, avec une présence aux réunions et des études de terrain sur les quantités de bouteilles ramassées.

Pour ce qui est de la zone test sur Marseille et l’Étang de Berre, leur problématique est qu’il n’y a pas de filière en place avec récupération et surtout transport jusqu’aux usines, donc tout à créer.
Ils nous ont demandé si on pouvait aller voir les supermarchés pour leur demander, ainsi que les mairies, et grosso modo faire leur boulot de création de cette filière.

J’ai répondu que c’était quelque chose d’envisageable, mais qu’on demandait à être rémunérés pour ce travail, car nos heures de négociations et de prospection ne sont pas gratuites, surtout si on travaille pour le compte d’une entreprise qui fait 1,2 milliard de chiffre d’affaires en France !
Ensuite on a bifurqué sur les questions de financement, puisque c’est le genre de décisions qui peuvent être prises les plus rapidement dans ce type de négociations.

On s’est mis d’accord avec Clean My Calanques pour leur proposer un projet commun de récupération des bouteilles en milieu naturel, financé par Heineken par leurs budgets RSE et non pas communication, de façon à ce que nous ne soyons pas utilisés pour faire de la publicité pour eux, mais simplement rémunérés pour le travail que nous faisons actuellement.

Le programme

L’idée c’est de leur proposer un programme à 200.000 euros environ, divisé au prorata du nombre de dépollutions organisés par chaque asso et en fonction des besoins financiers de chaque structure.

Clean My Calanques a besoin de 60.000 euros pour financer 2 à 3 salaires, nous on a besoin d’environ 120.000 pour financer le programme de l’Étang de Berre, du coup j’ai impliqué l’Association MerTerre à hauteur de 20.000 pour faire l’analyse de données relatives et financer la plateforme qui collecte toutes nos données !

L’idée avec un tel programme serait de récupérer, caractériser et compter spécifiquement les bouteilles et canettes Heineken (comme on le fait déjà avec une catégorie spécifique sur le Trimob de l’Étang de Berre, notre centre de tri mobile) pour leur donner des chiffres précis déjà sur une année, tout en continuant de travailler avec eux sur les initiatives de consigne ou tout moyen permettant d’en récupérer moins en milieu naturel.

On s’est quittés là-dessus, avec pour objectif de pondre ce plan d’action d’ici la fin du mois. C’était donc le 4 octobre.

Le 6 octobre, je reçois un email de la responsable de la communication qui me dit qu’avec les inondations à Marseille et les déchets sur les plages, elle a la possibilité de débloquer un budget immédiatement pour aider la récupération des déchets sur les littoraux.

Elle peut débloquer 5.000 pour nous et 5.000 pour Clean My Calanques et elle ne demande aucune contrepartie pour cela que d’aller dépolluer les plages. Pas de story, pas de post, pas de mention, rien.
Du coup, on a évidemment accepté !

Pour la suite

J’écris en ce moment la proposition à 200k, et essaye de comprendre de mieux en mieux leurs fonctionnement internes pour savoir quels leviers actionner pour faire changer Heineken au plus vite.

Voilà pour le retour et l’état actuel des choses avec Heineken, qui je dois l’avouer m’ont assez étonné par leur connaissance du sujet de la consigne et leur professionnalisme.

A voir désormais ce qui peut être mis en place très concrètement !
Julien Wosnitza

 

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